Des affrontements entre groupes armés
Dans la nuit de lundi à mardi, des tirs nourris ont été entendus dans plusieurs localités autour de Kaziba. Ce sont des affrontements entre deux groupes armés : l’un proche des Maï-Maï, l’autre affilié aux FDLR, tous deux actifs dans la région depuis des années. Ces groupes cherchent à contrôler des axes stratégiques, des territoires agricoles, et parfois même des points de taxation illégale imposés aux habitants.
Les habitants décrivent :
- des coups de feu jusqu’à l’aube,
- des maisons incendiées à Nyalubembe,
- des écoles fermées,
- et des centres de santé abandonnés par leur personnel.
Un jeune homme croisé près de Mushenyi dit : “On n’a pas dormi. On est restés couchés à même le sol. À l’aube, tout le monde a pris la route. On a juste pensé à survivre.”
Des milliers de déplacés vers Bukavu et Nyangezi
Depuis les premières heures du matin, les populations des villages de Nyalubembe, Lushasha, Cishugi et autres localités voisines ont commencé à fuir vers les zones jugées plus sûres, comme Nyangezi, Mushenyi, voire jusqu’aux abords de Bukavu.
Selon les premières estimations locales :
- plus de 3 000 personnes seraient déjà en déplacement,
- des écoles, des églises et même des maisons privées à Nyangezi sont transformées en lieux d’accueil improvisés,
- la Croix-Rouge locale et quelques organisations communautaires essaient de fournir des bâches, de la farine, du sel et un peu d’eau, mais les besoins sont énormes.
À Nyangezi, un enseignant héberge déjà 18 personnes dans sa maison : “C’est nos frères. Même si on a peu, on partage. Mais ça ne pourra pas durer longtemps comme ça.”
Un responsable religieux dans la zone confirme : “Il y a une solidarité spontanée. Mais ça ne remplace pas une vraie réponse d’urgence.”
Une insécurité persistante dans les hauts plateaux
Le territoire de Walungu est depuis longtemps une zone instable. Les groupes armés y circulent facilement, profitant du relief difficile, des sentiers forestiers, et du manque de présence militaire suffisante. Même si l’armée est présente à Kaziba, les habitants disent qu’elle est dépassée, parfois mal équipée, et qu’elle n’intervient qu’après les faits.
Un habitant de Lushasha témoigne : “Les militaires sont là, oui. Mais ils ne bougent pas. On dirait qu’ils ont peur, ou qu’ils attendent les ordres.” D’autres racontent avoir vu des soldats arriver bien après les affrontements, quand les assaillants étaient déjà partis.
Ce type de situation pousse la population à se sentir abandonnée, et surtout à perdre confiance dans les institutions qui sont censées les protéger.
Des conséquences directes sur les familles
Ces déplacements ont des effets immédiats :
- les champs sont laissés à l’abandon,
- les récoltes risquent d’être perdues,
- les enfants ne vont plus à l’école,
- les malades n’ont plus accès aux soins.
Dans les écoles de Nyangezi, certains enseignants tentent d’intégrer les enfants déplacés, mais sans matériel, sans espace, sans suivi, l’accueil reste symbolique. Une directrice d’école lance un appel : “Qu’on nous aide au moins avec des cahiers et un peu de nourriture. On ne peut pas laisser ces enfants dehors comme ça.”
Un infirmier du centre de santé de Mushenyi ajoute : “Il y a des cas de paludisme, des enfants mal nourris. Et maintenant, il y a ceux qui arrivent blessés ou fatigués par la marche. Mais on manque de tout, même de pansements.”
Des appels à l’aide restés sans réponse claire
Les autorités provinciales ont été informées. Des appels ont été lancés pour une assistance humanitaire rapide, mais jusqu’à mercredi soir, aucune aide concrète n’était encore arrivée dans les zones d’accueil. Les ONG présentes dans la région disent attendre des moyens logistiques pour agir, notamment des camions, des tentes et des vivres.
Une maman déplacée, installée sous une bâche en plastique, résume l’ambiance : “On dort sur le sol. Les enfants toussent. On n’a pas de savon, pas de nourriture. On attend. Mais on ne sait même pas qui va venir nous aider.”
Un responsable local à Kaziba lance un message clair : “On ne peut pas gérer une crise pareille seuls. Les gens vont tomber malades. Les enfants vont mourir si rien ne se fait vite.”
“On ne veut plus fuir”
Au bord de la route entre Kaziba et Nyangezi, un vieil homme s’assoit sur une pierre, les bras croisés. Il a fui trois fois en cinq ans. Cette fois-ci, dit-il, il voulait rester. Mais il a vu les flammes monter dans sa cour.
“On ne veut plus fuir. Mais on n’a pas le choix. Ici, c’est comme ça. On vit avec la peur, on dort avec la peur, on se lève avec la peur.”
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